Entre les deux archevêques de Lomé décédés, qui mérite plus des hommages mérités ? Cette question paraît superflue mais très importante, car les faits, gestes et propos des gouvernants continuent de provoquer des polémiques au niveau des hommages rendus à ces deux chefs d’églises, dont l’un est décédé en exil et l’autre au Togo après une hospitalisation dans un grand hôpital des Etats-Unis d’Amérique.
Pour rafraîchir un peu la mémoire des Togolais, les deux archevêques ont travaillé pendant leur parcours sacerdotal pour la cause nationale durant les temps critiques de la vie politique de la nation.
En effet, en 1991, après la conférence nationale souveraine, Mgr KPODZRO fut désigné président du Haut Conseil de la République, un organe de la transition jouant le rôle de parlement, certes après avoir dirigé les travaux de ladite Conférence. Et cette époque, les tenants du régime RPT n’ont rien trouvé à redire. Aujourd’hui, ayant contribué, en 2020, à choisir un candidat unique pour affronter le candidat du parti au pouvoir, les tenants du pouvoir trouve que Mgr KPODZRO n’a pas le droit de s’immiscer dans la politique. A l’occasion des obsèques, le pouvoir RPT/UNIR n’a daigné lui rendre un hommage dû à son rang.
De même en 2010, le pouvoir, après les violences post électorales qui ont fait plus de 800 morts selon le rapport de la FIDH, dont les enquêtes ont été dirigées par le Sénégalais Doudou Dieng, Faure Gnassingbé, le fils du président défunt Gnassingbé Eyadema a trouvé important en tenant compte des clauses de l’accord politique global issu d’un dialogue inter togolais organisé par l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré, de nommer un prélat à la tête d’une commission qui va solder le passé sombre. Ainsi, Mgr BARRIGAH-BENISSAN fut choisi pour présider les travaux de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR). Comme Mgr KPODZRO, Mgr BARRIGAH a rendu service au peuple togolais en conduisant le processus d’une justice transitionnelle qui continue aujourd’hui avec le Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) que préside Mme Awa-Nana Daboya.
En tenant compte du parcours des deux archevêques défunts, il paraît clair qu’ils ont rendu service à ce peuple confronté à des crises politiques répétitives. Pourquoi le pouvoir se sert toujours de cette politique de « diviser pour mieux dominer les Togolais, en rendant un vibrant hommage à Mgr BARRIGAH-BENISSAN sans en faire autant pour Mgr KPODZRO ? S’interrogent des avisés de la politique togolaise qui ajoutent que le pouvoir, dans sa politique de deux poids deux mesures, préfèrent un hommage mérité à Mgr BARRIGAH-BENISSAN à une reconnaissance sobre à Mgr KPODZRO, alors que les deux ont joué un rôle conciliateur durant leur parcours dans la vie politique du pays. Tous l’ont fait dans la vérité. Mais comme la vérité n’est jamais neutre, le pouvoir pense que la vérité de Mgr KPODZRO va en sa défaveur. C’est pourquoi d’ailleurs les tenants du pouvoir RPT/UNIR accusent Mgr KPODZRO d’avoir joué sur un terrain politique a lieu de rester dans son rôle sacerdotal ou d’évangélisation. Quelle mauvaise foi si l’on sait que ce prélat avec la contribution des membres du RPT, a été choisi pour présider à la destinée de la conférence nationale souveraine ? Se demandent certains observateurs qui concluent en disant que le pouvoir RPT/UNIR divise le peuple togolais pour fragiliser sa lutte pour la conquête de sa souveraineté à travers l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit.
Toujours est-il que « les actes que pose le pouvoir de Lomé dans le cadre de la reconnaissance nationale à travers des hommages rendus à l’égard de Mgr BARRIGAH-BENISSAN s’inscrit purement et simplement dans une logique de la politique de diviser les Togolais pour mieux régner sur eux», soutient un analyste politique qui ajoute, enfin, que le pouvoir des Gnassingbé entretient l’antagonisme au sein du clergé catholique en préférant l’un à l’autre, histoire d’inciter des fidèles, à préférer Mgr BARRIGAH-BENISSAN comme un bon berger et Mgr KPODZRO comme un mauvais. Or, les deux ont accepté volontiers rendre service à ce peuple avec leurs bâtons de pèlerin, même si aujourd’hui certains chrétiens des autres communautés enflent le débat sur le rôle politique d’un chrétien.
Dans ce cas, vaut-il la peine de poser cette question selon laquelle qui d’entre Mgr KPODZRO et Mgr BARRIGAH-BENISSAN s’est sacrifié pour la cause nationale, d’autant que les deux ont lutté pour la réconciliation nationale et pour l’avènement d’un changement profond au sein du système mafieux qui régente la vie de ce peuple depuis bientôt soixante ans?
En définitive, il est judicieux de traiter les deux prélats sur le même pied d’égalité pour s’être sacrifiés pour la cause nationale. Les traiter de façons différentes relève de la pure diversion qui s’inscrit dans la logique de la division, tout acte qui est aux antipodes de la réconciliation nationale, vœu cher des Togolais, toutes tendances confondues.
Anges Dieudonné ADJANOR