L’histoire politique togolaise devient redondante, car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Aujourd’hui, ce qui conforte les Togolais dans leurs analyses, est le constat de voir répéter les mêmes bêtises politiques durant ces élections législatives et régionales.
En effet, depuis le début de la campagne électorale jusqu’au jour du vote ce lundi 29 avril 2024, les vieux démons ont repris du travail, avec le bourrage des urnes et la multiplication des votes multiples dans certaines circonscriptions électorales. Tout s’est passé comme auparavant. Rien n’a changé dans les méthodes du pouvoir. Ainsi certaines organisations d’observation ont vu leur accréditation refusée. Des délégués de l’opposition dans certains bureaux de vote auraient été refusés d’accès aux salles de compilation ou de dépouillement de bulletins. La raison, serait de traficoter des procès-verbaux au profit des candidats du pouvoir.

Dans tous les cas, le pouvoir RPT/UNIR a un plan à parachever, susurrent des gens qui rappellent les circonstances dans lesquelles les scrutins sont organisés. En effet, à la veille du début de la campagne électorale, l’Assemblée nationale dont les députés sont en majorité du parti au pouvoir et de ses partis satellites, a voté une nouvelle constitution décriée par toute la classe politique, même soumise à une relecture. Cette nouvelle constitution propose un régime parlementaire qui confère désormais les vrais pouvoirs au président du conseil, c’est-à-dire au premier ministre, puisque le poste du Président de la République ne serait qu’un poste protocolaire voire un titre honorifique.
Gilchrist Olympio pressenti pour occuper le fauteuil présidentiel, une coquille vide
Le RPT/UNIR suit un plan machiavélique qui consiste à embrigader tous les acteurs politiques de l’opposition dans un schéma d’une responsabilité collégiale des crimes dans le pays. D’abords Gilchrist Olympio, fils de l’ancien président indépendantiste assassiné dans un complot ourdi par les puissances impérialistes, est finalement rentré dans le jeu, car il y a un deal entre ce dernier et Faure Gnassingbé afin de garantir l’immunité aux criminels. Seulement, Faure Gnassingbé très rusé a préféré un autre format qui frise un scénario de mettre fin à l’organisation des présidentielles qui provoque des crispations politiques. Raison de plus, en tenant compte du deal, les tenants du régime ont opté pour un régime parlementaire.

Gilchrist OLYMPIO
Ainsi, au Chapitre II: Titre : De l’élection du Président de la République, de la Nouvelle Constitution, la nouvelle loi dispose dans son article 35 Section 1 que: « Le Président de la République est élu sans débat par le Parlement réuni en Congrès. Après consultation des acteurs politiques et civils, le Président du Conseil soumet les candidatures à la Présidence de la République au bureau de l’Assemblée nationale, tenant lieu de bureau du Congrès. L’élection du Président de la République a lieu au scrutin secret à la majorité absolue. A défaut, le scrutin est repris. Après le troisième tour de scrutin, le Président de la République est élu à la majorité simple des parlementaires votants ».
En tenant compte des élections législatives et régionales, le parti RPT/UNIR a déjà la majorité des sièges. Et le problème de l’élection du Président de la République ne se poserait plus, puisque ce dernier est élu sans débat par le parlement acquis par les députés de l’UNIR qui vont tenir compte du deal entre leur formation politique et UFC. Donc, Gilchrist Olympio, déjà grabataire sera élu sans surprise par ses amis de la cogestion. La conclusion directe à tirer de ce jeu politique au détriment des intérêts nationaux, c’est que les fils des anciens présidents vont gouverner dans l’unanimisme total.
Cependant, il faut rappeler que le titre du président de république est honorifique, du coup, le président n’a pas de pouvoir proprement dit. Seul le Président du Conseil qui va gérer les actions du gouvernement aura les pleins pouvoirs comme les lui confère la nouvelle Constitution.
Faure Gnassingbé, dans la posture du Président à vie avec plein de pouvoirs
Comme nous l’avons écrit plus haut, le parti au pouvoir aura la majorité parlementaire, et c’est au sein de cette majorité que le Président du Conseil sera choisi. En effet, dans le Chapitre II, Section 1 : De la désignation du Président du Conseil, l’Article 47 stipule : « A l’issue des élections législatives, et après la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle, le chef de la majorité parlementaire est de facto le Président du Conseil.
Le parti ou la coalition de partis majoritaires transmet par écrit au bureau de l’Assemblée nationale, le nom du Président du Conseil pressenti. Le Président de l’Assemblée nationale prend acte de cette désignation et en informe sans délai la plénière. Cette information n’est pas suivie de débat ».
Aussi les vrais pouvoirs sont-ils dans les mains du Président de Conseil. Comme le stipule Section 2 dans les attributions du Président du Conseil en son Article 50 : « Le Président du Conseil, chef du gouvernement: – préside les conseils des ministres ;
– est le chef suprême des armées ;
– dispose de l’administration et exerce l’autorité et le commandement sur les forces armées et les forces de sécurité ; – détermine et conduit la politique de la nation ;
– définit la politique étrangère et représente l’Etat dans la conduite des relations internationales ;
– assure l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire; – nomme aux emplois civils et militaires ».
Mieux encore, le Président du Conseil dans l’Article 51: prononce la dissolution de l’Assemblée nationale après consultation de son Président. Il en informe le Président de la République. Le Président du Conseil reste en fonction jusqu’à l’investiture de son successeur.
En son Article 52 : Les actes du Président du Conseil sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution ». En clair, le Président du Conseil, comparativement au Président de la République, aura de pleins pouvoirs. Donc le Président de la République qui sera probablement Gilchrist Olympio n’aura qu’une coquille vide contre des privilèges. Des gens peuvent se poser la question de savoir quel sort sera réservé aux anciens opposants comme Jean-Pierre Fabre, Dodji Apévon, Prof Wolou, Abi Tchessa, Adjamagbo et leurs amis.
Faure Gnassingbé enterre Fabre et leurs amis politiquement
On se rappelle de la scission du parti UFC, suite à cet accord signé entre Gilchrist et Faure le 26 mai 2010. Ses anciens lieutenants Fabre et Lawson Patrick et les autres cadres ont quitté le parti pour créer leur propre parti qui est dénommé l’Alliance Nationale pour le Changement (‘ANC). Les mêmes méthodes ont été rééditées et qui ont maintenant créé le cycle Election-violence-dialogue. Maintes fois, les Togolais ont assisté à ce statu quo. A chaque fois qu’un autre opposant propose une autre solution, tout porte à croire que Fabre et ses amis détruisent cette dynamique pour permettre à Faure Gnassingbé et son régime de résister aux velléités de changement. Le cas de la révolution lancée par Tikpi Atchadam en 2017, et la tentative de Mgr Kpodzro de proposer Agbéyomé Kodjo comme l’alternative pour l’alternance, en disent long. Aujourd’hui, Faure Gnassingbé, après les avoir utilisés pour maintenir son pouvoir, décide de les enterrer politiquement et définitivement. C’est ce qui se dessine à l’horizon à moins que nous nous trompions. Mais une chose est sûre ; l’opinion nationale et internationale pense que Jean-Pierre Fabre et ses amis n’ont pas joué un rôle franc durant cette lutte. L’orgueil, la recherche de leadership, des vices qui ont conduit ces leaders dans les compromissions politiques.
La preuve, c’est qu’au cours de la campagne électorale et dans le contexte politique tendu qui devrait permettre à ce peuple d’entendre le mot d’ordre de ces leaders pour faire un vote sanction à ce régime à travers les urnes, il est dommage de constater que des électeurs ont plutôt opté pour l’abstention. En tout cas, le taux de participation n’a pas dépassé 40%. Des Togolais, fatigué des fraudes du parti au pouvoir, ne se sont pas bousculé le 29 avril 2024 pour aller accomplir leur devoir civique, qu’est le vote. Et du coup, les candidats ayant le boulevard et comptant leurs machines à fraudes auraient bourré des urnes. Si les informations sont exactes, la plupart des opposants sur des listes dans le Golfe et Agoenyivé, seraient battus par leurs adversaires du pouvoir.
Au regard du contexte actuel confus, Faure Gnassingbé est en train de pousser ses adversaires politiques hors du jeu politique en consolidant son règne monarchique avec la bénédiction de Gilchrist Olympio et compagnies.
Toutefois, il ne doit pas se méprendre sur le contexte régional actuel qui influence l’opinion africaine. Même le rapprochement de la Russie le partenaire sûr des Etats de l’AES (Mali, Burkina-Faso, Niger) ne suffit pas pour rassurer les panafricanistes de son franc jeu. « Ses dribbles, ruses, duplicité ne le sauveront pas pour longtemps », a déclaré un avisé de la politique togolaise.
Trouver des échappatoires politiques pour échapper aux contestations populaires et panafricanistes veut signifier tout simplement une fuite en avant. A quand l’alternance politique dans ce pays ? La question paraît superflue mais très importante, car le peuple togolais apparemment orphelin, a soif du vrai changement.
Anges ADJANOR