Les descendants de feu président Kleber DADJO n’entendent pas laisser dans l’oubliette, le nom de celui-là qui a dirigé le Togo du 14 janvier au 14 avril 1967. C’est ainsi qu’ils ont décidé de créer une association dédiée à cette illustre personnalité présentée comme le chef de la junte militaire qui avait pris le pouvoir le 13 janvier 1967 à Lomé. Dans cette interview accordée à la rédaction du journal CORPS DIPLOMATIC NEWS, le Président de l’ «Association Kléber DADJO », Rabas DADJO comme il s’agit bien de lui, présente l’illustre disparu comme un artisan de la paix et éclaire l’opinion sur les buts, objectifs et champs d’actions de la structure dont il a la charge.
Nous vous proposons l’intégralité de cette interview.
Rabas DADJO, Président de l’Association « Kleber DADJO »
- Qui fut feu Kléber Dadjo, le vénéré mémoire de votre Association ?
Kléber DADJO est un Togolais né en 1914, il a été un militaire de l’armée des Forces Françaises Libres (1941 à 1954). Il a dirigé des unités combattantes dans la guerre d’indochine. Il s’est illustré dans les combats de Sontay, Ha dong, Phue yen, Vinh yen hoa binh. Il était dans la dernière unité des Forces Françaises Libres évacuée de Hanoi fin 1954. Il a été reconnu comme un génie militaire et un fin stratège par l’armée française qui lui a délivrée des citations en reconnaissance de ses actes de bravoure sur les terrains de batailles. Il a débuté sa carrière comme soldat de troupe et a quitté l’armée française au grade d’officier (Capitaine).
- Dans la période pré-indépendance du Togo (1955-1957), en sa qualité d’officier le plus gradé, il a eu comme mission d’œuvrer à la constitution d’une armée togolaise post-indépendance.
- Il a dirigé l’armée togolaise avec un professionnalisme jusqu’en 1967.
- Constatant des crises de gouvernance durant le règne du Président Nicolas Grunitzky et dans la ferme détermination d’éviter que le Togo ne s’enlise dans une guerre civile, l’armée décida de prendre le pouvoir. Il fut porté à la tête du gouvernement de réconciliation nationale le 13 Janvier 1967 en sa qualité d’officier le plus gradé de l’armée togolaise. En Avril de la même année et dans le cadre d’une réorganisation au sein de l’armée, il céda le pouvoir à son jeune frère Gnassingbé Eyadéma. Cette réorganisation s’était faite en bonne intelligence entre les acteurs et Kléber DADJO était le Ministre de la Justice du 1er gouvernement de Gnassingbé Eyadéma.
- Épuisé par plusieurs années de guerres violentes (des balles ont été extraites de son corps à plusieurs reprises), il prit sa retraite à 55 ans et s’est retiré dans son village natal à Siou.
- Au cours de sa retraite, il a également participé à la gouvernance locale (chef Canton), fondateur d’une équipe locale de football dénommée : « les lionceaux de Siou ».
- Il a été rappelé au Tout Puissant le 23 Septembre 1989.
S’il faut caractériser sa vie sur terre, on pourrait parler d’un génie militaire qui a juré d’ensemencer la paix partout.
Sa devise était : la paix, la paix et la paix.
Sa philosophie était: dialoguer, réconcilier, valoriser la jeunesse pour construire et consolider la paix.
2) Quelles valeurs incarnait-il lorsqu’il dirigeait la transition qui a suivi le règne de Nicolas Grunitzky ?
En réalité, Kléber DADJO était un obsédé de la paix. Il répétait à ses interlocuteurs qu’il donnerait tout, il était prêt à sacrifier sa vie pour que son pays le Togo ne sombre pas dans la guerre. Pour lui, la paix ne devrait pas être considérée comme l’absence de guerre mais comme une dynamique continue de recherche des équilibres et de constructions des sociétés harmonieuses pour le vivre ensemble.
La passation du pouvoir à Gnassingbé Eyadéma était une parfaite illustration de la vision de la gouvernance de Kléber DADJO.
3) Pourquoi malgré toutes ses valeurs qu’on lui reconnaissait, le Colonel Dadjo, après sa mort, est-il oublié, car les hommages dus à son rang, sont presqu’inexistants, à part une rue baptisée en son nom?
Il faut reconnaitre que certains aspects autour de son enterrement ont posé des questions. Cependant, pendant sa retraite, le Colonel DADJO était proche du Général Gnassingbé Eyadéma. Les deux s’appréciaient, ils se retrouvaient de temps à autres à Pya et à Siou pour se rappeler de leurs parcours militaires, (ils aimaient se rappeler des chansons militaires).
Depuis l’avènement du Président Faure Gnassingbé au pouvoir, on a constaté sa volonté de réconcilier tous les togolais. La notion de réconciliation pour la paix est au centre de sa politique.
En 2006, Kléber Dadjo a été reconnu par le gouvernement du Président Faure Gnassingbé aux côtés des anciens présidents dans le cadre d’une décision de réhabilitation de l’image des anciens dirigeants du Togo. L’ancienne avenue de la Nouvelle Marche à Lomé a été rebaptisée avenue Kléber Dadjo en son honneur.
Les autorités militaires du Togo célèbrent le patriotisme et l’exemplarité de Kléber DADJO.
Pour exemple, le Colonel Kleber DADJO a été nommé Parrain de la promotion 2018-2020 l’École de Formation des Officiers des Forces Armées Togolaises (EFOFAT).
Le HCRRUN (Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale) œuvre pour «des réparations mémorielles de feu Colonel Kléber Dadjo, ancien Chef de l’État ».
4) Vous avez créé une association qui porte le nom de cet homme d’État: quels en sont les buts, objectifs et champ d’actions ?
L’association Kléber DADJO veut :
- Ouvrir un dialogue sur la paix au Togo, en Afrique et dans le Monde,
- Soutenir toutes les initiatives de paix (initiative gouvernementale et de la société civile) ;
- Œuvrer pour rendre hommage au feu Kléber DADJO et à tous les anciens qui se sont sacrifiés pour la paix au Togo, en Afrique et dans le monde.
5) Quels sont vos chantiers à court, moyen et long terme ?
- « Journée porte ouverte sur Kléber DADJO »
- Journée d’exposition sur l’amitié Franco-Togolaise : cas de Kléber DADJO
- Atelier d’échanges et de réflexion sur les responsabilités du citoyen dans la construction de la paix.
6) Mot de la fin du Président de l’Association
Nous tenons à rappeler que l’association Kléber DADJO est apolitique et se définit comme une alliance nationale pour rappeler à la conscience collective le devoir de chaque citoyen d’œuvrer au sein de sa collectivité pour la paix.
Les crises et conflits régionaux nous rappellent que la paix n’est pas une situation statique mais une dynamique dans laquelle chacun doit s’engager pour apporter sa contribution.
Un citoyen passif et inactif dans l’espace public est un citoyen qui fait progresser les injustices, les frustrations et qui réduit le champ de la paix.
Un citoyen qui s’engage dans un dialogue constructif dans l’espace public et pour des réconciliations sincères dans la cité est un citoyen qui porte le flambeau de la paix, la paix à chaque échelle de la gouvernance, la paix que nous a léguée nos parents et la paix que nous devons transmettre aux générations futures. Tout en rendant hommages à tous nos parents et aïeux qui nous ont transmis les gênes de la paix, l’association veut construire des espaces d’échanges et de dialogues sur la paix dans la cité.
Voici l’essence de la philosophie de l’association Kléber DADJO et c’est dans cette vision que l’association ouvre ses bras à tout citoyen qui veut apporter sa contribution à la paix dans la cité.