Le 3 mars 2024, l’opposant au régime en place à Lomé, Agbéyomé Kodjo a quitté la terre des vivants. Après la disparition de Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, il y a deux mois à l’étranger, c’est le tour du Président du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) de suivre celui-là qui a parrainé pour les élections présidentielles de février 2020. Il était contraint à l’exil dans la fièvre des contestations desdites élections.
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Le nom Agbéyomé Kodjo fait référence à un ancien baron du Rassemblement du peuple togolais (RPT) qui a occupé presque toutes les hautes fonctions de l’Etat avant de tomber en disgrâce. Il était directeur de la SONACOM (Société Nationale du Commerce) qui avait le monopole des produits import-export. Il fut nommé par la suite ministre des sports, avant de devenir ministre de l’intérieur pendant des moments troubles et sensibles de la vie politique du pays.
Tout le monde se souvient de l’homme dont la controverse politique fait toujours débat au sein de la classe politique. Ses détracteurs n’oublient pas ses moments de gloire lorsqu’il était encore dans le parti au pouvoir RPT. Et le massacre de Fréau Jardin le 25 janvier 1993 reste dans la mémoire collective des Togolais. Dans cette histoire macabre, les versions se divergent. Agbéyomé Kodjo, dans un réquisitoire intitulé « Il est temps d’espérer » repris dans l’ouvrage « Et si le déclin de la monarchie Gnassingbé approchait » du journaliste-écrivain Anges Dieudonné Gbedodé Adjanor, paru en 2011 aux Editions Harmattan Paris, l’homme déclarait qu’il aurait averti le Professeur Gnininvi, Coordonnateur à l’époque de la coalition des partis de l’opposition du danger que leurs militants courraient en participant à cette gigantesque manifestation. Une version que le Prof Gnininvi a rejetée. En tout cas, dans ce dossier de Fréau Jardin, il existe des zones d’ombre sur la responsabilité de chacun des acteurs politiques. Toujours est-il que les auteurs de ce massacre, dont la plupart faisaient partie de la Brigade Rouge qui n’était pas sous le contrôle du ministère de l’intérieur dont l’ancien ministre Agbéyomé KODJO était en charge.
Aussi le nom Agbéyomé Kodjo fait-il penser aux hautes fonctions politiques que l’homme a incarnées dans la République. Il ne faut pas se méprendre sur le rôle prépondérant qu’avait joué Agbéyomé Kodjo, lorsqu’il était d’abord Premier Ministre, puis Président de l’Assemblée Nationale avant de décider de prendre distance de son parti mère en créant le parti Alliance avec feu Dahuku PERE, un autre baron du RPT en disgrâce à l’époque,.
Quand on parle d’Agbéyomé Kodjo, il faut aussi se souvenir de sa conviction politique. L’homme, depuis sa transhumance politique, a décidé d’en découdre avec le régime qui l’a fait. Un crime de lèse-majesté pour des loups et louveteaux de l’ordre ancien. En 2020, le patriarche Kpodzro qui a réussi à convaincre le peuple togolais de porter son choix sur Agbéyomé Kodjo comme l’alternative pour la transition démocratique, a suscité un remous au sein de la classe politique de l’opposition dite traditionnelle, dont les leaders ne portent plus dans leur cœur le candidat de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK). Une situation qui a provoqué une confusion dans la gestion de la victoire de l’opposition incarnée par Agbéyomé Kodjo, après l’élection présidentielle de 2020. Et la question est de savoir si certains leaders d’opposition veulent vraiment l’alternance politique au Togo.
Et l’on est tenté de répondre par la négative. Le spectacle désolant qui reflète le schéma d’un perpétuel recommencement se dessine encore dans ce processus électoral qui va déboucher sur les prochaines élections.
Aujourd’hui, Agbéyomé Kodjo, victime des coups bas des acteurs de l’opposition, qu’il avait combattus, lorsqu’il était dans le pouvoir, s’en va. A qui le tour ? Une chose est certaine : des opposants qui sont devenus une menace pour le pouvoir, continuent de mourir en exil au bonheur des opposants fabriqués par le pouvoir monarchique des Gnassingbé qui prennent le plaisir de continuer à jouer le rôle malsain de complicité avec ce pouvoir au désarroi du peuple togolais. D’ailleurs, des opposants qui haïssent l’homme de Tokpli se réjouissent de la mort de ce dernier, car ils n’ont pas du tout pardonné Agbéyomé Kodjo d’avoir ravi leur place dans l’arène politique, puisque sa présence à l’élection présidentielle de 2020 a fait qu’un candidat qui se vantait de sa popularité s’est retrouvé avec un score minable c’est-à-dire 4% poussière. La politique togolaise doit-elle être construite dans la haine et des ressentiments politiques ?
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On ose croire que la disparition de cet homme politique très engagé, Agbéyomé Kodjo influera positivement les acteurs politiques de l’opposition à continuer le combat pour l’alternance politique sur des bases morales et sincères, dans une confiance mutuelle. L’avenir du pays en dépend, car la méfiance, l’orgueil et la haine amenuisent la lutte et compromettent la paix sociale dans le pays.
Anges ADJANOR