Pourquoi Patrice Talon change-t-il d’orientation dans sa politique vis-à-vis de la CEDEAO ? Le 16 janvier 2025, lorsque le soleil rentrait dans sa tanière, des rumeurs incessantes faisaient écho d’un coup d’Etat militaire qui présagerait le renversement du régime de Patrice Talon. Des sources allaient plus loin pour affirmer que le président béninois serait en fuite vers le Nigéria.

Patrice TALON
Au lendemain de ces rumeurs, le porte-parole de la présidence béninoise dément catégoriquement une velléité d’un coup d’Etat, mais reconnaît qu’il y aurait des voix dissonantes qui contestent son pouvoir pour la simple raison qu’il sacrifierait ses compatriotes militaires qui sont tués froidement par ces terroristes venus du Burkina Faso. Le bilan de ces attaques avoisine 28 morts. Mais des sources officieuses parlaient de plus de 80 morts. Si tel est le cas, on dirait que le bilan était lourd, et il est justifié que la hiérarchie des forces de défense et de sécurité béninoise s’interroge sur la gestion calamiteuse du domaine militaire par Patrice Talon qui a du mépris pour les militaires béninois qui tombent sur les champs de bataille comme des poussins parce que mal équipés.
La stratégie de ces attaques est de l’imputer aux forces armées de l’AES, dont les dirigeants ont pris une distance vis-à-vis de la CEDEAO, dont Patrice Talon a déployé toutes ses énergies pour la campagne sur les sanctions contre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le plan machiavélique consisterait à faire croire à l’opinion béninoise que ces attaques sont l’œuvre de ces pays de l’AES. Or, quelques heures après la dernière attaque, c’es les FDS du Burkina-Faso qui ont maîtrisé et tués ces terroristes dans le cadre de la solidarité africaine.
Le Président béninois au lieu de coopérer avec les dirigeants de l’AES afin de mieux combattre ces ennemis communs, il a préféré s’associer avec la France et ses alliés, dont la présence dans nos villes est toujours source d’instabilité politique, surtout si la région où ses militaires s’installent est riche en ressources naturelles. Et c’est le cas du nord frontalier du Bénin avec le Burkina Faso. Depuis que Patrice Talon leur a offert cette zone pour ériger leur base militaire, la région est toujours confrontée à des attaques répétées. Raison pour laquelle, une délégation de la hiérarchie militaire béninoise a rendu visite aux autorités burkinabé pour mutualiser leurs efforts afin de lutter efficacement contre ces terroristes, dont les parrains, selon des sources qui se font crédibles, demeurent ces impérialistes occidentaux. Sinon, comment pourrait-on comprendre que c’est en présence ces militaires français que ces militaires béninois furent sauvagement massacrés par ces hommes sans foi ni loi ? Une terreur pour faire fuir les militaires béninois de cette zone ?
La vulnérabilité des FDS du Bénin à travers le sous-équipement, face à ces terroristes ne justifient-elle pas la tentative de coup d’Etat au Bénin ? Pourquoi Patrice Talon continue-t-il à rouler pour l’impérialisme occidental en privilégiant le néocolonialisme français au Bénin et en Afrique ?
En tout cas, la prise de conscience de la situation géopolitique et géostratégique en Afrique de l’Ouest conforte l’argument selon lequel le pouvoir de Patrice Talon risque de tomber, si l’homme ne change pas de braquets, c’est-à-dire sa politique africaine en faveur de l’unité africaine comme l’ont compris les trois pays de l’AES.
Déjà, lors d’une conférence de presse le 17 janvier 2025, au lendemain de ces rumeurs, il transparaît de ses déclarations un regret de Patrice Talon concernant son adhésion à la décision ou la position va-t-en-guerre, au côté de ses pairs, contre ces trois pays de l’AES en prenant des sanctions inhumaines qui ont porté atteinte à la santé et à la vie des populations de ces pays membres de la CEDEAO.
Patrice Talon va plus loin en remettant en cause la fonction des instances de la CEDEAO qui jouent le rôle de garant de la démocratie, des droits de l’Homme et des libertés, en croyant sanctionner les auteurs des coups d’Etat, mais c’est les populations qui en pâtissent. D’ailleurs, comme il le reconnaît, ces sanctions ne dissuadent pas d’autres pays de la sous-région de connaître ces bouleversements politiques orchestrés par des militaires. Bref, Patrice Talon pense que des sanctions ne résolvent pas le problème de coup d’Etat. Et il a raison. Seulement, il a oublié de préciser en reconnaissant que c’est les coups d’Etat constitutionnels qui provoquent ces coups d’Etat militaires : des velléités de rester au pouvoir par l’entremise de tripatouillement des constitutions en violation de la loi fondamentale, après deux mandats, constituent le nœud du problème. Patrice Talon doit comprendre aujourd’hui que la bonne gouvernance ne garantit pas seul le pouvoir en Afrique. Il faut désormais inscrire, non seulement l’intégration régionale, un principe difficile à mettre en exécution à travers la libre circulation des personnes et des biens, mais aussi dans son programme de politique générale, le panafricanisme : ce courant qui a cours présentement sur le continent noir après plus de plusieurs décennies de domination coloniale.
Il est maintenant clair que la politique des pays de l’AES correspond aux aspirations des peuples africains qui veulent s’affranchir du néocolonialisme. Le président béninois doit prendre conscience de la visée panafricaniste, dont le peuple béninois y compris les militaires s’approprie pour garantir la sécurité et la paix au Bénin et dans la sous-région. Ce défi ne peut être relevé si et seulement si le président béninois comprend les aspirations de son peuple qui veut la rupture avec la politique françafricaine.
Pour démontrer sa sincérité – puisque l’homme est très futé en politique -, l’opinion béninoise pense qu’il doit demander aux militaires français de quitter le sol béninois : c’est le prix à payer pour redonner confiance à ses compatriotes et ses homologues des pays voisins limitrophes.
On reste convaincu que l’humilité qu’il veut de tout son cœur, en appelant ses pairs d’en être animés, l’inspirerait dans ses pas vers un véritable changement. Mieux vaut prendre des décisions qui unissent les peuples que celles qui les divisent. Patrice Talon doit comprendre dans ce contexte qu’il doit convaincre ses pairs de la CEDEAO à renoncer à la politique de soumission et à revoir le fonctionnement des instances de l’organisation sous régionale qui devient, à en croire beaucoup d’observateurs, un « machin ».
Pour conclure, Patrice Talon a eu une « sueur froide » à travers cette tentative de coup d’Etat. Il lui revient d’en tirer les conséquences pour se repositionner dans la sous-région au bonheur de son peuple qui veut privilégier la fraternité avec ses voisins de l’AES.
Anges Gbedode