Le retour annoncé de François Boko, ancien Ministre togolais de l’intérieur, exfiltré par une chancellerie européenne, après qu’il ait proposé un report de l’élection présidentielle de 2005, à cause des informations reçues de ses services de renseignement, lesquelles informations faisaient état des massacres des populations suite aux contestations issues des fraudes massives en préparation par le camp du pouvoir, est confirmé par le concerné lui-même au cours d’une interview accordée à un média français.

En effet, il nous souvient que le retour de l’officier supérieur François Boko après 14 ans d’exil en France était une épine dans les bottes des caciques du pouvoir RPT/UNIR, pour la simple raison que ce dernier Ministre de l’intérieur en 2005 serait considéré comme un traitre parce que justement il avait demandé le report des élections, vue la tension qui régnait à la suite au décès de Gnassingbé Eyadema, mort dans les circonstances qui restent encore à être élucidées. Il faut rappeler que l’entêtement des tenants du pouvoir à poursuivre le processus électoral a provoqué plus de 500 morts issus des violences pro électorales, à la suite d’une enquête de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dirigée par Doudou Dieng. En ignorant l’alerte donnée par l’ancien Ministre de l’intérieur, des crimes ont été commis par des milices du RPT soutenus par l’armée, son soutien.
Aujourd’hui, après moult tentatives de retour au bercail, François Boko dit avoir obtenu un accord de principe pour son retour au pays. Pourquoi subitement le pouvoir de Faure Gnassingbé accepte son retour alors qu’il a plusieurs fois refusé que cet ancien Ministre de l’intérieur revienne dans son propre pays, même lorsqu’il a demandé une autorisation pour venir enterrer sa mère, le pouvoir n’a pas obtempéré malgré l’insistance de la France ?
Première hypothèse, si nous considérons que ceux qui étaient hostiles à la décision de report de l’élection présidentielle d’Avril 2005 de l’ancien Ministre de l’intérieur qui n’a pas voulu être complice des crimes post électoraux, nous pouvons en toute sincérité affirmer que Faure Gnassingbé a fait un travail remarquable qui consiste à neutraliser ces conservateurs qui ont traité François Boko de traitre. Sur ce plan, de hauts officiers qui ont fait allégeance au fils à Papa et des barons, caciques du pouvoir qui ne portaient pas l’ancien Ministre dans leur cœur ont été sortis du système : certains qui auraient eu des velléités de tentatives de coup d’Etat ont été emprisonnés, d’autres poussés à la retraite, totalement dépouillés de leur autorité. Eh bien! Des gens pensent que Faure Gnassingbé a balisé la voie à François Boko sans craindre.
Deuxième hypothèse, d’autres pensent que Faure Gnassingbé, devant les difficultés politiques et constitutionnelles à la suite du changement du régime le 06 mai dernier avec l’adoption d’une nouvelle constitution par ses amis de l’Assemblée monocolore, a besoin d’expert en droit pour peaufiner les articles afin d’harmoniser avec les désirs de la population qui continuent de la décrier.
Troisième hypothèse qui paraît anodine mais très importante est celle liée à la classe politique de l’opposition. Personne ne peut nier la disparition des ténors de l’opposition après ces derniers scrutins couplés législatives et régionales. Faure Gnassingbé a réussi à enterrer les grandes voix de l’opposition qui ont commencé la lutte pour l’alternance politique depuis les années 90. En participant aux scrutins dont les conditions ne sont pas réunies, parce que, ne répondant pas aux standards internationaux, ont cautionné les fraudes électorales. Avec des institutions inféodées à l’Etat, les résultats ont été conçus au bon vouloir du Guide Faure Gnassingbé, dont le parti a eu la quasi-totalité des sièges.
Au regard de la débâcle des partis d’opposition, les Togolais ne se retrouvent plus dans les mots d’ordre de ces anciens leaders qui n’existent presque plus. Pour cette raison, des gens pensent que le retour de François Boko serait une bonne chose, un nouveau souffle pour l’opposition pour remobiliser le peuple pour continuer le combat démocratique. L’ancien Ministre, susurrent ces gens, serait une alternative pour réaliser l’alternance, surtout que l’homme est connu pour avoir eu courage de refuser toute sorte d’injustice. L’accord de principe auquel il faisait allusion a-t-il inclus la clause d’une alternance politique paisible ? Bien d’observateurs continuent de croire que l’unique voie à passer pour réaliser l’alternance au Togo serait la voie négociée afin de rassurer et les gens du pouvoir et ceux de l’opposition sans oublier la France qui demeure l’interlocutrice incontournable à considérer à moins que le peuple togolais opte pour une rupture totale comme ses frères des pays du Sahel regroupés dans l’AES. Même si certains évoquent le rapprochement de Faure Gnassingbé avec les dirigeants de la rupture de l’AES, la France dans la politique togolaise a encore des mots à dire.
Cependant, si le peuple reste indifférent dans cette situation qui se profile à l’horizon, il est fort probable, que l’ancien Ministre de l’intérieur François Boko qui est un pur produit de la France, incarnerait une opposition de consentement, dont le leitmotiv serait de maintenir le système françafricain avec une touche réformiste en place. En tout cas, la gouvernance changera de méthode mais le système restera en place. Dans ce cas de figure, François Boko serait confronté à la manipulation des consciences par ces anciens leaders de l’opposition qui finiront par convaincre une grande majorité du peuple que le pouvoir est toujours confisqué par les gens du nord dont est originaire l’ancien ministre. Ainsi, une partie du peuple novice à la politique politicienne serait convaincue de cet argument saugrenu, parce que ces anciens opposants ne voudraient pas de perdre la face. Or, des Togolais éclairés, toutes tendances politiques et ethniques confondues, n’ont pas échappé à la cruauté et à la terreur et injustices du pouvoir RPT/UNIR.
Pour tout dire, l’idée selon laquelle seul un homme ou transfuge du pouvoir serait la solution pour incarner les prérogatives de la présidence est en cours. Quand l’option Agbéyomé Kodjo, (prévue par Mgr Kpodzro), un courageux transfuge du pouvoir comme François Boko, lors de l’élection présidentielle de 2020 n’a pas reçu l’assentiment de Faure Gnassingbé mais des anciens barons du pouvoir, l’actuel Président du conseil jouerait sa propre carte en détruisant la vieille garde du régime qui risque, selon son entendement, de perpétuer la politique de violence et de la force, toutes méthodes qui compromettront sa politique d’ouverture axée sur la démocratie et le respect des droits de l’homme, si Agbéyomé Kodjo accède au pouvoir, dit-on, dans les arcanes du pouvoir. Un alibi qui a rassuré les anciens opposants qui ont préféré Faure Gnassingbé à Agbéyomé Kodjo, pourtant devenu opposant et issu de leur rang en 2020.
Mais une chose est sûre, le peuple togolais ne jouirait pas d’un changement de régime selon ses vraies aspirations. Les vrais maux caractérisés par la mauvaise gouvernance osent d’avoir de beaux jours devant eux, à moins que le retour de François Boko érudit au droit et à la politique, influe sur la nouvelle donne dont le peuple profiterait.
Anges ADJANOR