L’aspiration des peuples africains à la liberté ne laisse pas indifférent le Professeur Roger Ekoué Folikoué. Enseignant Chercheur à l’Université de Lomé, il a exprimé son opinion à travers un texte dont voici la teneur:

Roger FOLIKOUE
Les villes côtières comme Cape Coast, El-Mina, Gorée (CEG) sont des lieux de mémoire. Ce sont, historiquement, des lieux tragiques de l’histoire de l’Afrique mais aussi de l’histoire dramatique du monde.
Des hommes et des femmes venus de l’Occident ont dénié à d’autres hommes et femmes, le droit d’être des humains. Mais entre ceux qui torturent, en posant des actes crapuleux et horribles, et ceux qui sont violentés et considérés comme des moins que rien, qui sont les barbares et les plus humains?
L’ignominie a atteint le seuil de l’inadmissible car une partie de l’humanité s’est donné le droit de déshumaniser d’autres à cause de la couleur de leur peau et de leur lieu d’origine.
A ceux-là on a nié une culture, une civilisation, un savoir (la science) un savoir-faire (la technologie) un savoir- être (l’éthique) et un savoir-devenir (la capacité de s’inventer, d’innover).
Ils étaient alors considérés comme des sous – hommes qui sont conduits involontairement vers un ailleurs en franchissant la porte de non-retour qui s’ ouvrait sur l’ océan où des bateaux les attendaient pour les charger comme du bétail et des bêtes de somme.
La porte du non-retour, porte de la honte, est ainsi restée un des symboles de l’esclavage, oeuvre de déshumanisation, de privation de liberté et surtout acte odieux de la négation de l’autre.
FREEDOM, OH FREEDOM, KUMBAYA, KUMBAYA MY LORD. WE SHALL OVERCAME… SOME DAY !
Il a fallu du temps mais cette belle prophétie se réalise de nos jours et en même temps sa réalisation totale dépend vraiment de nous.
Le temps où nous étions partout dans des fers et où des chaînes étaient à nos pieds et à nos cous comme des animaux conduits à l’abattoir est révolu.
De ce terrible drame, nous avons appris jusqu’ où l’être humain peut aller dans la bestialité à cause de ses intérêts. Mais nous devons aussi apprendre le degré insoupçonné de l’indifférence qui détruit l’humanité pour ne pas devenir, à cause de cette douloureuse histoire, des hommes et des femmes de haine.
L’Homme capable (Homo capax de Ricœur) du pire est aussi celui qui est capable de dire plus jamais ça et de le traduire dans les faits: l’humain s’engage pour l’ humain partout où il est.
De l’esclavage à la liberté n’ est-ce pas le message délivré par l’Afrique en ce XXIè siècle dans la continuité de ses luttes pour la reconnaissance de la dignité des Africains, pour l’indépendance et une nouvelle et véritable co- opération entre les différents pays du monde?
Si trois villes côtières Cape Coast, El Mina et Gorée (CEG) sont des signes de l’ horrible et sombre passé, de trois autres villes, Bamako, Ouagadougou et Niamey, viennent, en écho au FREEDOM, la réponse à l’aspiration de tout un continent.
Ainsi au CEG succède l’AES, symbole de tout un continent en lutte.
N’est-ce pas ainsi que nous devons entendre les mots du président malien au Burkina: nous avons atteint un point de non-retour?
Le point de non-retour n’ est-ce pas aussi la non répétition des portes de non- retour, signe de notre déportation et de la négation de notre capacité à changer le cours des choses?
La recherche de l’indépendance est légitime mais il ne suffit plus de professer haut et fort l’indépendance pour la rendre effective. Comme le dit Ka Mana, elle doit être une tâche pour la pensée et un enjeu pour l’action. Elle devient ainsi une énergie de libération car elle redonne à chacun de nous la capacité de compter sur soi. Compter sur nous- mêmes ne signifie pas un repli suicidaire mais une ouverture aux autres dans ce qu’ils ont comme forces innovantes et transformatrices provenant de l’Humain qui se dé-voile à divers endroits du globe terrestre.(Cf. Le consciencisme de N’ Krumah).
La terre serait alors à nous tous et nous partagerions nos différences et nos talents.
Et si la vérité de l’AES n’était pas que géographique mais continentale et mondiale: libérer l’être humain partout où il est dans des fers pour une vraie co-opération entre nous?
Le chemin de l’indépendance par l’interdépendance passe par la RECONNAISSANCE de chacun et de chaque pays.
Un autre monde est possible et ça dépend de nous.
(RJC)