Sosthène NGOKILA, Diplomate gabonais de Carrière et Ministre Plénipotentiaire ne cesse de sortir des tribunes pour édifier tant soit peu l’opinion gabonaise et internationale sur les notions de la diplomatie et les relations internationales. Sa dernière tribune dont notre organe « Corps Diplomatic News » a eu copie, concerne l’outil diplomatique. Cet outil dont la relancer est selon lui, important pour le régime transitoire en place au Gabon depuis le 30 Août dernier.
Nous vous proposons l’intégralité de cette tribune.
Sosthène NGOKILA
» Ce n’est un secret pour personne, à quelques rares exceptions près, le Président Ali Bongo Ondimba n’était pas familier de ses Ambassadeurs.
Je peux confirmer, sans risque d’être repris, qu’en 14 années de son pouvoir, il y a des Chefs de missions diplomatiques qui n’ont jamais eu de tête-à-tête avec leur « mandant », ni même reçu un coup de fil de son cabinet.
Et pourtant, à l’introduction de chaque conseil des ministres, la diplomatie du Chef de l’État était félicitée et magnifiée. Il est vrai que la diplomatie relève, dit-on, du « domaine réservé » du Président de la République.
Mais une vraie diplomatie efficace se fait avec le concours des « anonymes » diplomates qui, dans l’ombre, initient, proposent, rédigent, expliquent, négocient informent, défendent… tous types de projets en vue du développement du Gabon.
Cette introduction est largement développée dans mon livre « À l’épreuve du serment » dont la parution est sans cesse repoussée au grand désarroi de mes quelques lecteurs.
👉🏾Disais-je, donc, que les diplomates gabonais, ces « patriotes » comme avait reconnu un Ministre des Affaires Etrangères faisant face à la « misère » de ce Département, s’investissent dans leur métier avec la force du désespoir afin de faire fonctionner un outil diplomatique sclérosé.
Qu’appelle-t-on l’outil diplomatique?
Comme l’avion pour le pilote ou la houe pour l’artisan cultivateur, l’outil diplomatique est « l’ensemble des moyens humains, techniques, mobiles et immobiles qui permettent de faire fonctionner le secteur diplomatie ».
👉🏾 Il s’agit d’abord des diplomates eux-mêmes et de l’organisation administrative sensée les gérer. Or, les agents du Ministère des affaires étrangères savent que, depuis 2012/2013, leurs carrières n’ont plus été suivies régulièrement.
En conséquence, certains ont planté des fanions de longévité dans leurs fonctions.
👉🏾Il y a des ambassadeurs dont la durée en fonction dans la même juridiction équivaut à la durée des deux mandats du Président Ali Bongo Ondimba.
👉🏾On me répondra qu’être Doyen du Corps Diplomatique est une bonne chose alors que cette situation, quand elle s’éternise, est un signe de dysfonctionnement de l’outil diplomatique.
👉🏾 Pis, on retrouve dans nos ambassades des Chargés d’affaires par intérim qui ont plus de sept (7 ans) de fonction sans que cela n’émeuve l’administration centrale des affaires étrangères.
Ce n’est pas tout que d’accuser la Centrale (Siège du Ministère des Affaires Etrangères) d’être laxiste car elle même est la plus enfoncée dans cette boue mouvante de l’inorganisation.
👉🏾 Eternel locataire, le Département des affaires étrangères n’a rien de la vitrine internationale qu’il devrait projeter comme image. Presque tout y est insalubre. Ce patrimoine est à l’image de ce que tout le monde observe dans les services extérieurs.
Bref!
Pour faire l’énumération exhaustive des problèmes liés à l’outil diplomatique gabonais me contraindrait à solliciter des actions auprès des propriétaires de facebook.
Aussi, vais-je me limiter à faire mes propositions au Ministre des affaires étrangères de la transition, c’est un ami et frère sinon je n’aurais pas osé afin qu’il saisisse cette période de « transition » pour « restaurer » notre outil diplomatique:
👉🏾1- Renforcer le management du Secrétariat Général qui est le véritable pilier d’un ministère. Les carrières, les moyens comme l’animation du Département en dépendent ;
👉🏾2- Revoir le cadre textuel du Ministère, c’est-a- dire l’ossature juridique et organique devenu obsolète et inadapté à l’évolution du monde;
👉🏾3- Booster l’Inspection générale afin qu’elle soit aussi un réel aiguillon au respect des normes mais pas qu’au seul décompte des « entrées des visas ou des autres ressources financières » du Ministère ;
👉🏾4- Proposer une carte diplomatique dynamique, efficiente et réaliste qui prenne en compte les intérêts effectifs du Gabon à promouvoir et non plus juste pour « avoir une Ambassade ou un consulat chez le voisin que l’on aime bien » ;
👉🏾5- Inculquer ou renforcer la technicité des diplomates par la formation et l’émulation afin de conforter leur professionnalisme ;
👉🏾6- Garder les diplomates comme ayants-droits prioritaires aux fonctions de leur secteur ;
👉🏾7- Prendre conscience que la diplomatie coûte cher dans son déploiement et, à cet effet, élaborer des budgets réalistes et exécutables afin d’éviter les « tâtonnements et le pilotage à vue ». Il est plus honorable d’être absent à une rencontre internationale que d’y être juste pour apparaitre sur la photo et entendre citer le nom du Gabon.
👉🏾Plusieurs autres propositions existent mais, comme je l’ai évoqué plus haut, nous risquerions de manquer d’espace pour toutes les énumérer.
Initier une des propositions ci-dessus, c’est déjà un grand pas vers la restauration de la dignité du diplomate gabonais.
Sosthène NGOKILA, Diplomate de Carrière et Ministre Plénipotentiaire
