Après le coup d’état du 30 août 2023 perpétré par les militaires gabonais réunis au sein d’un comité dit « de transition et pour la restauration des institutions », les condamnations de la communauté internationale n’ont pas manqué de fuser, les unes aussi prudentes que les autres.
Effectivement, dans un climat africain en voie de « propagation » des coups d’état, les acteurs de la communauté internationale ne peuvent plus afficher immédiatement leurs muscles au risque de se retrouver dans la situation de la CEDEAO en Afrique de l’ouest qui, elle, risque sa propre survie face au « défi nigérien ».
Ainsi, presque tous les grands acteurs internationaux ont réagi. Faisons donc ensemble un bref tour des réactions de ces acteurs majeurs.

(Sosthène NGOKILA)
Condamnation des multilatéralistes et sous-entendus.
Les organisations internationales, régionales et sous régionales telles que l’ONU, l’UE, l’UA, la CEEAC et la CEMAC pour ne citer que celles-là, ont toutes « condamné » le coup d’état du 30 août 2023.
Le communiqué de la première organisation mondiale dit ceci: « Le Secrétaire Général de l’ONU, António Guterres, a fermement condamné mercredi « la tentative de coup d’Etat » au Gabon, où des militaires ont annoncé avoir renversé le Président gabonais Ali Bongo Ondimba et annulé le résultat des élections générales qui le donnait vainqueur ». Cette haute institution a condamné le putsch « Parce-que le principe de condamnation des coups d’Etat est inscrit dans son ADN ». Notez que cette institution, du moins dans son communiqué, n’a pas appelé au rétablissement de l’ordre ancien qui prévalait avant le coup d’état. Ce qui laisse penser que la position de l’ONU peut évoluer en fonction du comportement du CTRI ayant pris le pouvoir.
La réaction la plus « corsée » est plutôt venue de l’union Africaine (UA) quand Monsieur Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’UA, a dénoncé une violation flagrante des principes de l’UA et condamné « fermement » la tentative de coup d’état comme voie de solution de la crise post-électorale gabonaise. Dans cette réaction, aussi dure puisse-t-elle paraître car l’UA a par la suite suspendu le Gabon de ses activités, il est à constater que l’organisation panafricaine n’a pas, comme l’ONU, instruit sur les voies éventuelles à suivre afin de sortir de cet « apparent chaos » (selon certains observateurs) au Gabon.
Quant à la CEEAC, communauté dont le Gabon assure actuellement la Présidence, elle a indiqué suivre avec une profonde préoccupation l’annonce faite par les forces de défense et de sécurité. Certes, cette communauté condamne aussi fermement le recours à la force comme voie de résolution des conflits politiques et d’accès au pouvoir. Je fais ici une remarque en posant la question suivante: la CEEAC a-t-elle suspendu le Gabon de sa présidence tournante?…
La CEMAC quant à elle, organisation « plus proche » du Gabon, car ayant une influence directe sur son économie et sa monnaie, n’a pas affiché une position différente de celles faites par ses « grandes soeurs ». Effectivement, dans un communiqué publié le 30 août 2023, le président en exercice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), Faustin Archange Touadéra a dit suivre « avec une profonde préoccupation les développements de la situation en République Gabonaise et condamne fermement la tentative de coup d’Etat en cours dans ce pays frère ». Il a rappelé que tout changement anticonstitutionnel de gouvernement constitue une violation intolérable des principes fondateurs de la Communauté avant de rappeler les parties prenantes à préserver la paix et de les exhorter vivement à privilégier le dialogue qui est le mode par excellence de résolution des différends ».
La CEMAC n’a pas suspendu le Gabon des activités au sein de cette institution. Le dialogue auquel appelle la CEMAC, á l’évidence, est celui que prépare le CTRI à travers ses rencontres préalables avec les représentants des différentes organisations religieuses, patronales, diplomatiques, politiques ainsi que celles de la société civile.

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Notons, à nouveau, qu’aucune de ces institutions n’a donné la meilleure voie à suivre par les nouvelles autorités gabonaises. Ce qui signifie, en clair, que seul le CTRI DEVRA PROPOSER À CES ORGANISATIONS SON PLAN DE RESTAURATION DES INSTITUTIONS en vue du retour à l’organisation civile de l’État. Et cela ne devrait pas être un challenge insurmontable pour les « diplomates de la transition ».
Pourquoi ces institutions ne peuvent-elles pas aller au-delà de la condamnation de principe du coup d’état au Gabon?…
Simplement parce-que la situation du Gabon n’est semblable à aucune autre, ni celle du Burkina Faso, ni celle du Mali, ni celle de Guinée, encore moins celle du Niger. Leur seul rapprochement tient dans l’utilisation des termes « coups d’état ». Comparaison n’est pas raison.
Par ailleurs, « rétablir l’ordre constitutionnel avant le coup d’état » reviendrait à entériner la déclaration par le Centre Gabonais des Elections (CGE) des résultats des élections « tronquées » et unanimement considérées comme sortis d’une fraude massive. Les organisations internationales le savent. Elles savent aussi que les résultats sortis des urnes le 26 août 2023 sont plus destabilisateurs pour les institutions dissoutes que le coup d’état qui les a dissoutes. Sans compter que ces résultats sont nuisibles pour la cohésion de la société gabonaise qui, aujourd’hui, se sent soulagée suite à la mise au placard de l’ancien régime. L’ONU, L’UA, la CEEAC et autre CEMAC voudraient-elles aussi ranger au placard le droit d’un peuple à disposer de lui-même?…. (à suivre)
Sosthène Ngokila
Diplomate de Carrière
Ministre Plénipotentiaire